Vous avez dit « recherche compréhensive » ?
Un document produit par l’Agence régionale de santé en mai 2011, intitulé Procédures d’élaboration du mémoire de fin d’études en soins infirmiers (1), indique que le mémoire que l’on demande aux étudiants en soins infirmiers s’inscrit dans une démarche de recherche compréhensive. Aussi, avant de se plonger dans le bain bouillonnant de l ‘anxiété en comptant déjà le temps qu’il vous reste avant l’heure fatale, et de se poser des questions telles que : Par quoi est-ce que je commence ? Que faut-il lire ou faire en priorité ? etc, il convient dans un premier temps d’expliquer de quoi il retourne quand on parle de ce type de démarche.
La méthode compréhensive a pour point de départ le terrain d’observation (ce que le chercheur appelle la « situation d’appel ») pour l’étudiant en soins infirmiers. Il s’agit dès lors d’observer des faits humains, de saisir le sens subjectif des activités observées sur ce terrain et de se poser les questions fondamentales: Quelles sont les intentions des acteurs ? Quelles sont les interactions entre ces acteurs ? Qu’est-ce que mon expérience et mes connaissances (mais également mon ressenti) me permettent de dire de ce que j’observe ? Si je peux répondre à ces questions, je peux saisir ce fameux « sens subjectif », je peux commencer à comprendre les phénomènes observés … Cette méthode est à relier à la notion d’empathie préconisée par le philosophe W. Dilthey et qui consiste à « revivre en pensée les situations significatives pour les protagonistes sociaux ». Il s’agit de s’attacher à comprendre intimement le vécu des autres, d’en dégager ce que l’on appelle des invariants, qui permettront d’échafauder les premières hypothèses de recherche. L’empathie (qui fait d’ailleurs partie des concepts à l’œuvre en sciences infirmières) implique de savoir capter la ou les significations des paroles ou des actes de l’autre, ou, pour le dire autrement, une bonne réceptivité à l’expérience d’autrui.
On peut déjà admettre que la recherche compréhensive permet de produire des données à la fois riches et complexes, mais qu’elle offre également la garantie de construire son objet de recherche dans un champ proprement délimité sur la base d’une méthode qui « cherche à comprendre comment les acteurs pensent, parlent, agissent et [toujours] en rapport avec un contexte ou une situation (2). »
Et à partir de là, une première évidence tombe : il est préférable d’opter pour un sujet de recherche qui nous tient à cœur, que l’on aura mûrement réfléchi (après avoir toutefois pris conseil auprès de ses enseignants…). On aura ainsi de meilleures capacités à mener un travail de ce type que pour un sujet choisi par défaut ou dans l’urgence…
De l’observation à la théorisation
Depuis le début du 20ème siècle, les soins n’ont cessé d’évoluer vers une conception de la santé qui « entraîne une orientation davantage marquée vers la compréhension de l’autre , ses valeurs, ses modes de vie son histoire, sa culture (3)…» Cette importance soulignée des caractéristiques culturelles a permis de parler désormais d’une « approche anthropologique des soins ». Autant dire que le temps est bien loin d’une pratique de soin se matérialisant exclusivement par des actions hygiénistes, ou même d’une pratique fondée sur la toute puissance des professionnels de santé. L’infirmier(e) s’est depuis spécialisé(e) dans les méthodes d’accompagnement et de conseil auprès des patients. De là s’est forgée la notion d’éducation thérapeutique. Par conséquent, de nouveaux cadres de référence se sont imposés pour le chercheur, et des concepts tels que «l’approche systémique familiale », la« sollicitude » ou l’«holisme» font maintenant partie de l’arsenal des concepts à maîtriser pour l’étudiant infirmier, au même titre que d’autres plus strictement médicaux.
Des études récentes montrent que les étudiants, dans la rédaction de leur TFE, font appel à des savoirs empruntés à des disciplines très diverses (sociologie, philosophie, histoire …), même si, statistiquement, ce sont toujours les savoirs relatifs aux sciences médicales qui sont les plus présents dans les mémoires. C’est ce qui leur permet de prendre en compte l’individu dans son environnement social et culturel, d’appréhender la notion de soin dans l’idée de développer de bonnes capacités d’écoute, de réflexion et d’analyse sur les pratiques.
Diversité des savoirs et des concepts, recherche et traitement de données ou capacité de réflexivité telle que préconisée dans le document de l’ARS … Toutes ces questions font partie des éléments, indispensables à l’élaboration du travail de recherche pour le TFE, qui impliquent cette capacité à théoriser et par conséquent, nous le verrons dans la seconde partie de cet article, à maîtriser les structures linguistiques utiles à la réalisation du travail demandé …
[A suivre]
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