Baudelaire disait que pour avoir envie de finir un roman, il fallait le commencer par de très belles phrases.

Sans doute, mais lorsqu’on écrit, on sait le poids des incertitudes, des indécisions. On sait combien cette entreprise peut paraître périlleuse, insensée même quand la peur de « mal faire », l’angoisse (ou la culpabilité) de « ne pas faire » nous étreignent. Ou étourdissante parfois, quand un tourbillon d’idées jetées en hâte sur le papier nous assaille.

Il faut trouver la voie. Il faut savoir ne pas s’égarer. Il faut s’accompagner d’espoir. Ça paraît si simple. Tout comme l’espoir naît d’une rencontre, il doit aussi naître du désir d’écrire.

Et plus que tout, il y a le sentiment de la nécessité de ce que l’on a à dire. Sur la société, sur l’amour, sur la nature humaine…

Le désir d’écrire est toujours renaissant. Et l’espoir de donner vie à la matière, que s’accomplisse, jour après jour, l’œuvre rêvée; en trouvant les mots, en trouvant le juste équilibre ou l’harmonie, essentiels aussi – comme les très belles phrases – pour avancer sur cette voie qu’on a trouvée.

***

« L’Imagination fabulatrice est une puissance généreuse (créer l’autre), et le refus de « mentir » peut renvoyer à un Narcissisme. »(Roland Barthes)

Le narcissisme qui serait celui du fantasme de l’œuvre projetée au loin et qui ne se fait jamais ; et si elle se fait, le narcissisme de ne voir que soi (ou surtout soi) dans le miroir de l’œuvre en train de se faire. Travers de beaucoup d’écrivains actuels, semble-t-il. Il y a ceux qui aiment s’écouter parler, et ceux qui aiment se regarder écrire…

Il faut s’astreindre à l’exercice de la pure fabulation, et donc au « mensonge », qui serait le noble mensonge de la création artistique en quelque sorte. Et qui n’est pas l’absence de vérité.

Créer un autre monde, une autre époque que celui et celle où l’on vit. Créer un autre être que soi, même s’il y a souvent (toujours ?) un peu de soi dans l’un ou l’autre des personnages que l’on dessine. C’est à travers ce mensonge que l’auteur s’offre la liberté de livrer sa propre vérité.

[A suivre…]