Le correcteur n’est pas constamment déchiré entre des questions d’éthique et de morale dans l’exercice de son métier. Heureusement … Mais il peut parfois avoir des cas de conscience.
Une personne m’a récemment contacté pour me demander de corriger un livre qu’elle venait d’écrire. Après réflexion, je n’ai pas souhaité donner suite à cette demande.
Il s’agissait d’un manuscrit consacré à un ancien chef d’Etat ayant exercé le pouvoir à la fin des années soixante-dix dans un pays que l’on situera dans l’hémisphère sud. M’attendant à une biographie, j’ai rapidement constaté, dès les premières lignes, que ce texte était fortement empreint de subjectivité et revêtait même un caractère élogieux à l’endroit du personnage qu’il prétendait décrire. J’ai donc, dans un premier temps, voulu effectuer quelques recherches sur le net pour en savoir un peu plus. Les quelques informations que j’ai pu glaner m’ont laissé penser que ce dirigeant, s’il avait indiscutablement contribué à la modernisation de son pays, était toutefois controversé sur la question des droits de l’homme.
C’est pourquoi, sans entrer dans les détails, et après y avoir mûrement réfléchi, j’ai préféré ne pas prendre en charge cette mission, tout en ayant sincèrement exposé mes raisons à mon client.
La plupart des correcteurs ou des écrivains publics consacrent, dans leurs CGV*, un article à la question des textes « contrevenant aux bonnes moeurs ou aux lois en vigueur, etc. » (c’est aussi mon cas), et qu’ils s’interdisent par conséquent de prendre en charge. Il ne s’agissait sans doute pas de cela dans ce cas précis. Je n’ai eu aucun mal à dire à cette personne qu’elle était parfaitement libre de faire l’éloge de tel ou tel personnage, et que cet éloge était même sans doute partiellement justifié concernant cet homme d’Etat.
Mais le correcteur sait aussi que, quand il intervient sur un texte, il en approuve nécessairement le contenu, à fortiori quand il le remanie en profondeur (ce qui aurait dû être fait dans le cas présent), une action qui peut lui donner le sentiment d’en être, d’une certaine façon , le coauteur …
Ce qui peut effectivement poser une question de conscience lorsqu’il s’agit de textes à caractère politique, et que l’on peut qualifier de plus « sensibles » que d’autres. La question de l’approbation ne se pose évidemment pas quand on corrige une lettre de motivation …
Ainsi, on peut affirmer qu’un correcteur soucieux de ces questions, préférera corriger un texte parfaitement neutre, respectueux de la distance critique nécessaire, sur un dictateur patenté (je me garderai toutefois de citer un nom) qu’une défense et illustration de l’oeuvre d’un Mandela ou d’un Martin Luther King. Ceci compte tenu du fait que les personnages historiques les moins sujets à caution sur cette question des droits de l’homme ont parfois leur part d’ombre …
En tous les cas, et surtout si le doute persiste, je préfère m’abstenir. Cela évite des regrets si l’on apprend incidemment un jour qu’un personnage que l’on aura contribué à défendre était en réalité peu recommandable.
Et puis au moins, le correcteur humain peut s’enorgueillir d’avoir des scrupules que le correcteur automatique n’a pas …
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